Yvonne de Gaulle

Elle n'est pas n'importe qui... Une fille Vendroux, des biscuits du même nom !

La biscuiterie Vendroux, ses deux cents ouvriers, une véritable institution du côté de Calais ! Yvonne naît en 1900, une petite cuillère en argent dans la bouche, entourée de bonnes et de précepteurs dans quelque château de famille, mais sans ostentation, toujours dans la foi et la retenue. A la culture, on préfèrera la morale, aux effusions, la froideur. Elle avouera plus tard " ne pas savoir comment être aimable ". Yvonne Vendroux ne sera pas assommée d'Histoire, de littérature, ni d'Histoire de l'es arts, mais bien davantage de catéchisme, de points de croix et de règles de bienséance. Aucun diplôme à l'horizon, pour quoi faire, tandis qu'un mariage arrangé est déjà prescrit. De retour d'Angleterre, où elle a été mise à l'abri durant la Première Guerre Mondiale, vient l'heure des noces. Yvonne y consent, mais ose refuser que son élu soit un militaire. Une marieuse entre en scène, décidée à la faire changer d'avis ; et voici que le grand Charles pointe son nez. Un militaire qui a le mérite de séduire immédiatement la jeune oie blanche. " Il a quarante centimètres de plus que moi, mais ce sera lui ou personne ". Impose-t-elle. La messe est dite.

Si la particule a de l'allure, la vie est plutôt modeste chez les de Gaulle.

 Un nom à vous donner des envies de diriger un jour, la France ! Charles est ambitieux, raide comme la justice, austère, formé  chez les Jésuites puis à Saint-Cyr. Et les femmes ne sont pour lui, " qu'assaisonnement de la vie ". Ce qui ne l'empêche pas d'écrire sous pseudonyme des nouvelles sentimentales plutôt torrides... La trentaine amorçée, il consent à entendre parler de noces, il refuse qu'on lui " refourgue " une cousine puis une aristocrate fortunée, mais boiteuse. La jeune Yvonne lui semble faire l'affaire, suffisamment riche et docile. Charles de Gaulle a une idée très précise du partage des rôles : " a lui, la guerre et l'Histoire. A elle, la garde du foyer et l'attente ". Le 7 Avril 1921, à Calais, les noces sont célébrées, Yvonne est aux anges aux côtés de son grand mari, droit comme un i. Nuit de noces à l'hôtel Lutécia, à Paris, puis lune de miel sous le ciel d'Italie. Ce sont là les derniers fastes pour Yvonne. En effet, sa nouvelle vie de femme soldat ne lui offre plus le confort de ses jeunes années. Mais il suffit que le grand Charles la nomme sa " chère petite femme chérie " pour qu'elle apprécie les villes de garnison, le quotidien à Metz, à Beyrouth, à Alger ou à Lille.

Trois enfants voient le jour, Philippe, Elisabeth et la petite dernière, Anne, atteinte de trisomie. Elevée dans la sévèrité et sans tendresse. Le 23 mai 1940, le capitaine de Gaulle est promu général, mais une quinzaine de jours plus tard, il entre en résistance et rejoint Londres. Il lui faut sauver la France, et le destin d'Yvonne s'en trouve chamboulé...

                                                                                         La petite Anne et son père Charles de Gaulle

Son mari est le chef de la France libre, et Yvonne doit renoncer à cette discrétion si chère à son coeur. 

Elle déteste l'intrusion, l'indécence, et voici qu'on la prie d'être photographiée comme le sont les vedettes, elle se montre telle qu'elle est : occupée à faire son ménage, dans une triste robe à pois, le chignon bas et sans maquillage. De retour en France, en 1944, le Général assure la présidence du gouvernement provisoire de la République Française, et le couple s'installe à Colombey-les-deux-Eglises, en Haute-Marne, dans une propriété achetée à viager. Une bonne affaire : ils n'auront patienter que deux ans avant que la maîtresse des lieux se noie dans son bain !

La mort d'Anne 

La fin des années 1940 est aussi marquée pour de Gaulle par ce qui restera sans doute le drame intime le plus douloureux de toute son existence : la mort d'Anne, sa fille trisomique, le 6 février 1948 à Colombey. Ses proches l'ont souvent surpris lui chantant de petites comptines, ou se promenant avec elle au jardin, main dans la main.

De 1946 au 8 Janvier 1959, lorsqu'il devient le premier président de la Ve République, c'est une longue traversée du désert pour Charles de Gaulle. A l'inverse, pour Yvonne, c'est la , .paix retrouvée, une paisible vie domestique loin des regards. A l'Elysée, de 1959 à 1969, "tante Yvon, se montrera lointaine et glaciale, volontiers autoritaire, prude et séne", ainsi que la surnomment les Français, mange son pain noir. Elle abhorre les mondanités et les courtisans, les sourires et les serrages de mains.. Dix années durant, elle se montrera lointaine et glaciale, volontiers autoritaire, prude et sévère, et n'accordera qu'un seul reportage à Paris Match.

"Tante Yvonne", et le général détestent l'Elysée et son tapage de luxe.

Selon lui, "c'est une caserne aux portes ouvertes"  Elle leur installe un modeste appartement de cinq pièces, avec deux lits jumeaux de 2,10 m et réserve une chapelle à ses exercices de piété. Dès qu'elle le peu,Yvonne s'évade et fait elle-même ses petites courses. Le soir venu, elle lave dans le lavabo les chaussettes du Général, et en fin de mois, règle leur facture d'électricité. Pas question que les Français s'en acquittent.

Une certaine influence sur le Général...

D'un autre siècle, "tante Yvonne" était sévère avec les femmes trop coquettes ou qu'elle pensait trop légères, mais ses actions de première dame l'ont aussi éclairée sur les conditions de vie pénibles et irrespectueuses des femmes. Et bien que cela semble  très loin de ses préoccupations, après avoir observé les conséquences dramatiques des avortements clandestins, elle est intervenue auprès de son mari pour autoriser la contraception. - La loi Neuwirth qui légalise la vente de la pilule - est ainsi en partie, votée, grâce à elle, le 19 décembre 1967. La démission de son mari, en avril 1969, la délivre enfin de cette vie d'apparat.. Le bonheur est dans leur demeure de la Boisserie mais de courte durée. Le Général meurt le 9 novemvre 1970, à quelques jours de ses 80 ans. " Sans elle, rien de ce qui a été n'aurait pu l'être", aura écrit de Gaulle à propos de celle qui partagea quarante-neuf années de sa vie. Elle le suit dans la mort neuf ans plus tard, presque jour pour jour.