Vivien Leigh

Du talent jusqu'à la folie

   Vl enf

      Elle est née dans une ville qui porte l'inneffable marque de la distinction anglaise à l'heure du thé. Sur les flancs de l'Himalaya, dans l'Inde coloniale de 1912, Darjeeling est une station climatique, à plus de 2000 mètre d'altitude., où les anglais viennent chercher la fraîcheur, loin de la poussière et de la chaleur de l'été indien.

     Toute sa vie Vivien Leigh gardera de sa petite enfance entre chaleur et vents, poussière et verdure, un besoin de netteté et de fraîcheur, d'élégance et de raffinement.

     L'enfant est une merveille de cheveux châtain doré, aux yeux verts, une Shirley Temple, qui aurait pu faire carrière, tant elle est vive, alerte, gaie, volontaire, et possède le sens inouï de la comédie. Dans les divers pensionnats de la prude Angleterre où ses parents vont la placer dès l'âge de six ans, Vivien fera l'admiration de ses compagnes et de ses professeurs. A treize ans, déjà jeune fille, elle retrouve ses parents, et pousuit une éducation en Europe, de Dinard à San Remo et de Biarritz à Kitzbühel. C'est à Vienne qu'elle aura dix-sept ans, passionnée d'opéra et de Wagner,et en retrouvant Londres, brumeux et triste, Vivien demande à ses parents l'autorisation de prendre des cours d'art dramatique. La vie de la jeune fille se précise alors avec une rapidité extraordinaire.

     Elle entre à l'Académie d'art dramatique et rencontre parallèlement un jeune homme bien fait, séduisant, blond, calme qui ressemble à l'acteur préféré de Vivien, Leslie Howard.

     Se futur mari s'appelle Leigh Holman, et madame Vivien Holman deviendra très vite pour le théâtre et le cinéma miss Vivien Leigh... Ils se sont mariés le 20 décembre 1932. Le 13 mai suivant, Vivien est présentée à la cour, s'incline devant la reine Mary, et l'entend murmurer: "Quelle ravissante enfant"...

     Une beauté ainsi consacrée par la reine d'Angleterre ne pouvait être qu'exceptionnelle et, renforcée dans sa passion du théâtre, Vivien entre en lutte avec son époux, qui espérait que le mariage lui ferait oublier ses idées de cabotine. Peine perdue. Même la naissance d'une petite Suzanne, en Octobre 1933, ne découragera pas la jeune femme.

    Volontaire, douée d'une exceptionnelle vitalité et d'un charme irrésistible, elle obtient un premier rôle au cinéma, dans un petit film de première partie. Au fond, les débuts de Vivien sont classiques : petits rôles, rencontres, découvertes, vont l'amener peu à peu à obtenir sa première bonne critique au St-James théâtre, dans "Le masque de la vérité", à propos duquel un journaliste du Star , le 16 mai 1935 écrit: "C'est une tâche ô combien agréable de rencontrer une nouvelle actrice ! C'est un triomphe personnel pour Vivien Leigh, la découverte de Sydney Carroll. Miss Leigh est ravissante, et si jolie que seul son talent peut égaler sa beauté..."

    Voilà donc une jeune femme de bonne famille, bonne épouse et mère d'une petite fille, lancée dans la terrible aventure du spectacle, où sa beauté et son talent ne cesseront d'être portés aux nues...

 

Vl 1     Mais qui est-elle cette beauté ravissante, dont les immenses yeux verts fascinent tous ceux qu'elle rencontre ?

    C'est un modèle de gentillesse, de courtoisie, et de bonne éducation. Enfant, on lui a toujours appris qu'il était plus important de faire plaisir aux autres qu'à soit même. De l'enfance, elle a gardé ce visage de poupée sage et tendre, cette bouche câline, ce teint merveilleux de pureté, que seul dément le regard. Ce regard est intense, ardent il forme dans ce visage aux rondeurs encore enfantines un violent contraste, et donne au personnage une ambiguïté passionnelle. Vivien est capable de déclarer à ses amis: "Moi, si le prince de Galles me le demandait, je serai sa maîtresse."

    Elle a épousé le sage Leigh Holman, et rêve en secret d'un prince de légende. A cette époque , Laurence Olivier, avec son regard d'acteur shakespearien, représente parfaitement l'image du prince des rêves de Vivien.

     A-t-elle dit, ou n'a-t-elle pas dit: "Un jour, je l'épouserai ". En tout cas, il ignore encore qu'il a été choisi par une jeune actrice rencontrée une fois au cours d'un déjeuner au Savoy. Il est marié, le public le considère comme le jeune premier en vogue, les femmes papillonnent autour de lui, sans qu'il leur prête le moindre regard, et son épouse est considérée comme la plus belle actrice d'Angleterre. Les dés du destin viennent de rouler brutalement sous le regard perçant de Laurence et il les ramasse avec décision.

Vivien et lui déjeuneront ensemble, il va la persuader de jouer du classique, pour lui le cinéma n'est qu'un art de complément, superficiel, et tout juste bon à payer son loyer quand les finances sont en baisse. Vivien auditionne pour le rôle de la reine dans " Richard II ", devant un unique spectateur : lui. Les autres ne comptent pas. C'est devant lui qu'elle s'agenouille, pour lui qu'elle déclame, vers lui qu'elle tend son merveilleux visage, avide et passionné.

Laurence olivier

Plus tard elle dira : " Si tout était à refaire, si je devais le rencontrer de nouveau dans une nouvelle vie, je tomberai amoureuse de la même façon, et s'il le fallait, c'est moi qui lui ferait la cour. " Ce qu'elle a probablement fait d'ailleurs dans la réalité.

Dévorée de passion, Vivien mène et mènera toujours une vie au dessus de ses forces. Cette toux qui ne la quitte pas pendant le tournage de " L'invincible Armada ", leur premier film ensemble, elle ne veut pas en tenir compte. Et pourtant c'est le début d'une maladie qui va la ronger corps et âme : la tuberculose. Elle la refuse et l'ignore. Elle fume trop, s'agite, dort à peine quelques heures par nuit, et s'effondre en cachette, lorsqu'elle apprend que la femme de Laurence est enceinte.

A la naissance de Tarquin, le fils de Gill Esmond et de Laurence, elle tombe malade à nouveau. Pourtant Laurence ne la quitte plus. Il est envouté par cette nature ardente et passionnée qui le déconcerte. Tantôt faible faible et douce, tantôt fière et exigeante,, rageuse ou drôle, Vivien est un personnage difficile à cerner.

Il en tombe amoureux à Capri, au cours d'un voyage irréparable, et c'est après la consécration de cet amour adultère, mais fou, que Vivien lit le livre de Margaret Mitchell, " Autant en emporte le vent ", et décide aussitôt que Scarlett, c'est elle ! Ce en quoi elle ne se trompe pas. Mais comment une jeune actrice anglaise, de talent certes, mais parfaitement inconnue aux Etats-Unis, peut-elle briguer un pareil rôle ?

Selznick, le célèbre producteur, vient d'acheter les droits du livre. Déjà la crème des stars Hollywoodiennes est sur les rangs. L'affaire dure depuis plus de deux ans. Le découpage a été long, le film sera monumental mais, à quelques mois du premier tour de manivelle, la Scarlett idéale n'a pas encore été choisie. Paulette Godard, Joan Fontaine, Susan Hayward, Norma Shaerer, Lana Turner, Loretta Young, Joan Crawford, Katherine Hepburn, et même la terrible Bette Davis, ont été pressenties. Des agents de la production ont fouillé les Etats du Sud à la recherche d'une illustre inconnue qui ressemble à la description de Margarett Mitchell, sans résultat.

Vivien réussit à convaincre son agent de Londres de télégraphier à Selznick et de lui envoyer une copie du film " L'invincible Armada ". La réponse est décourageante, bien que mitigée. Selznick répond : " Suggestion ne m'emballe pas. J'ai peut-être tort, mais je ne l'ai jamais vu. Je visionnerai le film, nous reparlerons alors de miss Leigh.

Il faut comprendre que les intérêts sont énormes autour de cette production. La MGM a prêté Clark Gable et investi plus d'un million de dollars dans la production. Elle est donc en droit d'espérer que le choix de la vedette féminine se fera sour son propre cheptel de stars, et a proposé, pour Scarlett, Joan Crawford. Mais Selznick n'est pas convaincu par la froideur pâle et musclée de l'actrice qui ne correspond pas au personnage de l'auteur. Il cherche encore en perfectionniste, celle qui saura être la jeune fille brillante et avide, amoureuse et jalouse, forte et faible, et sûr de sa beauté. Celle qui fera contraste et complicité avec Gable, ce rustre élégant, cet aventurier sans complexe. Il lui faut l'incarnation du Sud américain, en une femme... Il lui faut une taille de 52 centimètres, une élégance raffinée jusque dans la misère et les désordres de la guerre de Sécession. Il lui faut la perle rare, celle qui sera digne des quatre millions et demi de dollars engagés sur le best-seller le plus célèbre d'Amérique.

D'où viendra la chance pour Vivien Leigh ?

D'une proposition faite à Laurence Olivier de tourner " Les Hauts-de-Hurlevent " de William Wyler. Bien que réticent, car déçu par une première expédition aux Etats-Unis, Laurence Olivier accepte le rôle. Il espère imposer Vivien dans le rôle principal. Il n'y arrivera pas, et le tournage aura lieu dans des conditions difficiles, Vivien se sentant seule à Londres et plus désemparée que jamais. Tout commence mal.

Rien ne va dans sa vie. Son mariage rompu officieusement la remplit de remords. Ses parents la supplient de revenir à une vie plus calme et plus décente. Les rôles qu'on lui propose n'ont pas la saveur délicieuse du personnage de Scarlett dont elle rêve jour et nuit., lisant et relisant l'énorme livre de Margaret Mitchell avec fébrilité.

Sur un coup de tête, elle embarque pour les Etats-Unis, rejoint Laurence à Hollywwood, et s'acharne à rencontrer David Selznick. Elle veut, elle aussi, faire un test.

Georges Cukor, le metteur en scène, n'est pas convaincu à l'avance, il a vu Vivien dans deux films, et la trouve un peu raide, un peu maigre mais Selznick, en la voyant apparaître, a le souffle coupé.

Il est en train de tourner le premier extérieur, le grand incendie d'Atlantan la scène célèbre du film, et il n'a toujours pas sa Scarlett.

Or, la voici, dans la nuit et le vent, dans la lueur des flammes, elle accompagne le propre frère de David Selznick, Myron, qui se trouve être l'agent de Laurence Olivier aux Etats-Unis. La vision est étonnante. Vivien a ôté son chapeau et libéré ses magnifiques cheveux châtains, la lueur de l'incendie se reflète dans ses yeux verts... Ell a déjà presque gagné.

David Selznick écrira plus tard à sa femme : Jamais je n'ai été aussi excité... Elle est formidable, c'est Scarlett en personne.

Les tests devaient le confirmer. Sans aucun effort, malgré son accent anglais qui n'avait rien de commun avec celui du Sud des Etats-Unis, et que réclamait le personnage, Vivien est formidable dans la première scène qui lui sert de bout d'essai. Le monde entier désormais va l'identifier à Scarlett O'Hara, et Margaret Mitchell, l'auteur reconnaîtra elle même sur le visage de Vivien, ce qu'elle avait écrit du visage de Scarlett : " Son visage était très doux et sage mais le regard, vert ardent et avide, démentait la gravité de son maintien ".

Rarement un personnage de roman aura trouvé copie si conforme et si parfaite.

Autant en emporte le vent 1939

Vivien leigh autant em emporte le vent

Autant en emporte le vent...

Vivien leigh 2

Mariage

   La carrière de Vivien Leigh est désormais internationale, sa beauté et son talent reconnus par tous il ne lui manque qu'un bonheur : devenir Madame Laurence Olivier.

Ce sera fait le 31 août 1940, en pleine guerre, enfin... Enfin, car son ex-mari a d'abord refusé le divorce, il l'aime toujours et lui restera fidèle en amitié jusqu'à la fin. Mais il a fini par comprendre que l'amour de ces deux êtres d'exception le dépassait. A Santa Barbara, près de Hollywood, une cérémonie discrète de trois minutes vient donc consacrer l'adoration mutuelle que se portent depuis des années Laurence et Vivien. Puis, elle attend un enfant, tout semble parfait dans ce bonheur qu'ils ont tant espérés, bien de Vivien continue de tousser d'une manière inquiétante et maigrisse beaucoup trop. C'est en tournant " César et Cléopâtre ", sous le soleil torride de l'été égyptien, qu'elle s'écroule pour la première fois. Le bébé est perdu. Sans commentaire et à peine rétablie,Vivien reprend le tournage, mais quelque chose est cassé. Quelque chose d'invisible, qui lui a changé le regard et l'âme, et dont elle ne se remettra plus jamais.

Cleopatre

César et Cléopâtre

De retour en Angleterre, son mari et ses intimes la trouve nerveuse, un peu trop gaie, un peu trop débordante de vitalité forcée. Et puis c'est la chute. La dépression, la première crise du deuxième mal qui la rongera avec autant de persistance que la tuberculose. Il semble que cette femme si vivante soit condamnée à souffrir jusqu'à la mort, épuisée justement par cette rage de vivre qui la tient.

A cette époque, la tuberculose, comme la dépression nerveuse, n'est pas guérissable avec autant de réussite que de nos jours. Or Vivien est profondément atteinte.

Son entourage ne s'en rend pas très bien compte, et elle non plus sans doute, mais lors de cette première crise, Laurence Olivier croit découvrir une autre femme, une furie qui se jette sur lui, toutes griffes dehors, hurle et se roule par terre en l'accablant d'injures. Il a un mal fou à la maîtriser, puis elle s'écroule enfin, en larmes, avant de sombrer dans un sommeil bizarre. A son réveil, elle ne sait plus très bien ce qu'elle a dit ou fait, et refuse de voir un médecin. Sur ce point elle est catégorique, il n'est pas question d'être malade; elle refuse, elle nie, il faut oublier, tirer un trait sur cette folie qui l'a prise.

Que s'est-il passé ? Le bébé perdu ? Toutes les femmes amoureuses qui ont subi ce genre de drame savent que la blessure est terrible.

Mais ce n'est pas suffisant comme explication. La guerre ? Les privations ? L'ambiance affreuse de Londres en cet hiver 42 ? Elle n'est pas la seule à la subir.

En fait, il est à peu près évident qu'un spsychiatre des années 80 saurait trouver et dire ce qui a cédé dans le psychisme de Vivien Leigh, et qu'aucun traitement de choce n'arrivera à guérir. Qu'appelait-on d'ailleurs " traitement de choc ", il y a quarante ans ?

Il est des êtres trop excessifs, trop violents dans leur désir, dans leur amour, et dans leur métier, q'une vie agitée et donc dangereuse sur le plan nerveux précipite ainsi l'abîme. 

Cette femme d'un courage et d'une volonté peu commun va pourtant résister des années encore, pied à pied, aux deux maladies qui la traquent sans pitié. Par le travail bien sûr, mais surtout par l'amour qu'elle porte à son mari, Vivien Leigh survit. Elle jouera les tuberculeuses dans " La dame aux camélias ", et les hystériques dans " La Nef aux fous ", au mépris de ses problèmes. Elle refusera le sanatorium pour se réfugier dans le manoir de Notley Abbey, acheté par Laurence, une antique demeure monastique fondée sous le règne d'Henri II d'Angleterre. Tout ce qu'elle consent à subir, c'est un traitement de six semaines à l'hôpital pur enrayer une grave lésion au poumon. Il lui est impossible de quitter Laurence. Il est sa vie, sa substance, son admiration, et son adoration perpétuelle. Il n'est qu'à regarder les innombrables photos de presse pour s'en convaincre. Ce regard quelle lève sur lui ardent, exigeant, suppliant et adorateur dit tout son silence.

Elle est pourtant contrainte de garder le lit, tandis qu'il répète et joue, en octobre 1945, " OEdipe " de Sophocle à Londres. Le couple a des soucis d'argent, le manoir coûte cher à l'entretien, Laurence doit d'autre part participer à l'éducation de son fils Tarquin, dont Vivien à d'ailleurs fait la conquête.

Mais le repos forcé semble avoir atténué les crises d'hystérie, et lorsque son époux part à New York en tournée, Vivien l'accompagne avec enthousiasme. Elle ne se rend pas compte qu'elle lui pose un problème, et qu'il a du mal à assurer en même temps son travail et la surveillance dont elle a besoin.

Une nouvelle crise se déclenche à la fin de l'année 1946; il l'a conduit en Italie, pensant que le changement d'air et le soleil lui feront du bien. Mais à leur retour Vivien est toujours plongée dans sa dépression.

Laurence Olivier doit tourner " Hamlet " un travail long et absorbant ; elle vient de se voir refuser le rôle d'Ophélia. Pour deux raisons, également frustrantes : son âge - elle n'est plus une adolescente - et sa renommée internationale qui déséquilibrerait la Production. Vivien ronge son frein, et l'avenir est sombre, lorsque miracle, on lui propose un rôle à sa mesure, celui d'Anna Karénine, dans une adaptation de Jean Anouilh et Julien Duvivier.

Anna karenine

Vivien se sent revivre. Hélas, les conditions de travail par une chaleur épouvantable - enveloppée de fourrure et pataugeant dans la neige artificielle - ont raison une fois de plus de ses nerfs. Elle devient irritable et exigeante, ce qui marque toujours le début d'une crise. Sur ces entrefaites, on annonce que Laurence Olivier, son époux, va devenir chevalier, et porter le titre de Lord. Devenir la Lady d'un Lord, consacré au titre des services rendus à l'art, ne semble pas  réjouir Vivien, qui a du mal à se contenir.

En fait elle s'est donnée à fond dans le personnage d'Anna Karénine, une femme qui quitte son mari pour suivre son amant, et se dégrade ainsi moralement. Elle s'identifie tellement au personnage qu'il faut certainement voir là la raison de la nouvelle dépression qui l'assaille. Elle se rendra cependant avec mauvaise humeur à la cérémonie qui fait de son mari, à quarante ans, le plus jeune acteur à recevoir une telle distinction des mains du roi George V. 

Sur les photos de presse, on peut la voir, en tailleur noir, et chapeau noir, sans bijou, belle et grave, comme une veuve. Veuve de quoi ? D'un amour qu'elle sent peu à peu se transformer en pitié de la part de sir Laurence. Certes il l'aime toujours, mais il lui est certainement difficile de continuer à vivre une relation avec sa femme, car il ne sait jamais à quel moment elle va se transformer en furie, et terminer en loque. 

Tournée en Australie

   Une tournée en Australie va remonter le moral de Vivien.. Là-bas, elle est Scarlett !  l'indomptable héroïne de " Autant en emporte le vent ". Portée par cette gloire, elle revit. Et une nouvelle passion l'emporte. Après avoir lu et relu " Un tramway nommé désir " elle affirme que Blanche Dubois c'est elle !

Exactement comme pour Scarlett !

Laurence Olivier va donc monter la pièce à Londres, et Vivien sera extraordinaire.

Encore une fois, Tennessee Williams semblait avoir écrit pour elle la description de Blanche : " Une créature démoniaque, possédée d'une passion qui la dépasse et ne peut déboucher que sur la folie "... C'est en 1950 qu'elle tournera l'adaptation filmée avec Marlo Brando pour partenaire, et Elia Kazan comme metteur en scène. Toujours méticuleuse, fraîche, impeccable, et, à l'heure, saluant tout le monde sur le plateau, elle détonne dans l'ambiance plutôt décontractée et même vulgaire des tournages californiens. Marlon Brando le lui fait sentir, en grognant que " lady Vivien" devrait cesser d'em...tout le monde en disant bonjour tous les matins."

Mais ils deviendront bons amis tout de même, et le film sera exceptionnel, malgré les difficultés des adaptateurs à lui faire passer la terrible censure américaine... Il n'était pas question en ce temps là d'évoquer même le mot "homosexualité" dont parlait le script...les temps ont bien changé.

Après avoir donné une seconde Cléopâtre, avec César et Antoine, jouant ainsi le double rôle d'une femme de seize ans, et de quarante ans... Après avoir subi l'assaut de certaines critiques, Vivien Leigh se sent à nouvezu mal, très mal. Des angoisses physiques l'étreignent, les heurts sont de plus en plus fréquents en publics, entre elle et Laurence Olivier. 

En avril 1951, une nouvelle crise d'hystérie la terrasse. Elle est obsédée par l'idée de vieillir, et de perdre une beauté encensée depuis quarante ans.

Pour tourner la " piste des éléphants " à Ceylan ", elle prend un risque considérable. Une maison de repos serait préférable. Tous ses partenaires en sont conscients. Elle ne dort plus, son visage a changé, vieilli, elle se comporte bizarrement, le climat l'épuise. C'est en terminant les scènes d'intérieur à Hollywood qu'elle déclare aux journalistes: " Je crois que ce film sera le dernier pour moi. La vie est trop courte pour la passer à travailler "...

Et, dès le lendemain, elle explose en plein tournage. Elle ne sait plus son texte, pleure, refuse de voir le médecin, et s'éfondre en plein délire, à même le sol.

David, un vieil et excellent ami, pourra seul la convaincre de rentrer à son hôtel et sir Laurence, prévenu, accourt en toute hâte. C'est une grande malade, abrutie par les calmants, que l'on transporte en civière jusque dans l'avion qui la ramène à Londres et, cette fois, c'est l'hôpital, un centre spécialisé pour les grands nerveux ; le psychiatre, les visites interdites, l'isolement total.

En sortant de là, Vivien déclare avec un pauvre sourire: " je me croyais chez les fous ! " Car elle refuse toujours d'admettre qu'elle souffre de troubles mentaux.

A quarante-deux ans, Vivien Leigh annonce qu'elle est enceinte. Dernière et pitoyable bataille pour conserver l'amour de Laurence Olivier. C'est une fausse nouvelle, mais durant quelques semaines, elle jouera se rôle dans la vie jusqu'à ce que son époux déclare tristement qu'un " accident " a détruit les espoirs de maternité de son épouse et qu'elle doit se reposer.

" Se reposer " en termes de communiqué de presse, cela veut dire que Vivien a fini par accepter les traitements, tous les traitements, à condition de ne pas retourner à l'hôpital. Les médecins parlent de schizophrénie. On sait que la tuberculose exagère le processus des maladies mentales, et Vivien avale les calmants, les traitements de choc, la psychothérapie, durant toute la fin de l'année 1956.

Elle n'a confiance qu'en un seul médecin qui, lui, ne parle pas de schizophrénie mais de dépression profonde. Pourtant les crises sont effrayantes. La malheureuse déchire ses vêtements, se comporte de façon choquante, tente de sauter par la fenêtre, et perd totalement le contrôle d'elle même.

On la soigne sous anesthésie générale au Penthotal, par électrochoc, et les périodes de répit sont de plus en plus rares. Mais luttant toujours pour vivre, pour conserver ses facultés de travail, et d'amour, Vivien accepte une tournée en Europe. Elle sera catastrophique. Dans toutes les grandes villes le public veut voir Scarlett, et Scarlett étouffe, souffre de claustrophobie, souffre de l'hystérie qui l'entoure, souffre de tout et avance de crise en crise, dans cette tournée qui se transforme en véritable chemin de croix. Elle ne retrouve un semblant d'équilibre qu'au moment d'entrer en scène.

A son retour, elle subit avec un courage hors du commun dans son état l'évidence d'une séparation d'avec Laurence. Il en aime une autre. Il n'éprouve plus pour elle que de la tendresse et de la pitié. Elle accepte le divorce et se jette dans une liaison avec un acteur, ami de toujours, qui la vénère et l'entourera d'une affection amoureuse indéfectible, jusqu'à la fin. Supportant qu'elle continue d'aimer Laurence, qu'elle ne voyage jamais sans son portrait et parle sans cesse du passé et des souvenirs. Avec cet homme elle tente une nouvelle vie, mais se sent épuisée, vidée, morte d'avance.

C'est pourtant dans cet état qu'elle tournera " La nefs des fous " avec Lee Marwin, qu'elle traite " d'ivrogne au talent extraordinaire ". Après une courte rémission, et un voyage en Inde, pays de  son enfance, où elle croit retrouver la paix et la sérénité, à cinquante-trois ans, elle regagne Londres, et se couche. Son courage de lionne ou de tigresse l'abandonne. Comme les grands fauves elle se couche pour mourir.

Le deuxième poumon est atteint, mais elle refuse toujours l'hôpital.

Elle veut rester à Tickerage, un moulin entouré de jardins et de roses, qu'elle a acheté après son divorce et la vente du manoir de Notley Abbey, ou elle avait vécu le bonheur avec Laurence. L'année 1967 arrive à son printemps, les rosiers sont en boutons, elle les voit de sa fenêtre, et écrit à son compagnon Jack Merivale des lettres tendres. Elle a toujours écrit des lettres tendres à cet homme, qu'elle aime certainement, mais d'un amour confiant et un peu enfantin, loin de la folle passion dévorante qu'elle vouait à sir Laurence. Quelques unes de ces lettres ont été retrouvées, et citées dans le très beau livre d'Anne Edwards " La Vie déchirante de Vivien Leigh ". Elle lui dit le 29 mai de cette année-là : " Mon amour et toutes mes pensées sont à toi à chaque instant ".

Elle écrit aussi à une amie : " Je voudrais me battre...pardonnez l'écriture, elle est pire que jamais, c'est à cause des drogues qu'on me donne. Je suis beaucoup plus inquète pour Larry (Laurence Olivier ). Il écrit souvent, je crois qu'il passe une période infernale...".

Laurence Olivier est toujours présent dans son esprit. Et pourtant c'est lui qui n'a pas tenu le coup, qui n'a pas porté jusqu'à la fin le poids de la maladie et de l'amour de Vivien.

 

Robe

Le 7 Juillet 1967, c'est Jack Merivale, son dernier compagnon, qui téléphone, inquiet. Lui aussi a pris du recul, il a peur, il ne sait plus aimer comme avant, mais il est toujours là. Au téléphone Vivien est bizarre, elle parle mal, son souffle est inexistant ; alors, dès la fin de sa représentation au théâtre, il fait les soixante kilomètres qui séparent Londres du moulin de Tikerage.

Vivien dort, son chat étendu près d'elle. Elle a toujours voué aux chats un amour démesuré, comme le furent tous se amours. Elle dort et, près d'elle, le portrait de Laurence Olivier qui ne la quitte jamais. Elle dort et elle est belle, parfaite, soignée, environnée du parfum léger des bouquets de fleurs, au milieu des draps bien tirés. Jamais elle n'a voulu être malade, et cette chambre n'est pas celle d'une malade. Même les médicaments sont cachés. Vivien leigh 1

Jack Merivale s'éloigne sur la pointe des pieds, et revient un quart d'heure plus tard... Vivien est étendue par terre, elle a dû chercher à quitter son lit et à sortir de sa chambre. Un verre d'eau est renversé près d'elle. Une dernière quinte de toux, elle a voulu boire... elle ne pouvait pas savoir que ce dernier verre d'eau allait l'étouffer en se répandant dans ses poumons malades.

 

Lady Vivien n'est plus. Scarlett est morte. Dans ses dernières volontés, elle a demandé à être incinérée.

Sir Laurence Olivier est venu s'incliner devant elle pour la  la veiller. Mais c'est Jack Merivale qui fera exécuter ses dernières volontés, et répandre les cendres dans le jardin du moulin de Tickerage, parmi les roses et les pivoines qu'elle aimait tant.

Scarlette O'Hara et Vivien Leigh se sont envolées ensemble dans le vent de l'été. Autant en emporte le vent de la campagne anglaise, que celui du Sud américain, où la gloire les a réunies.

Date de dernière mise à jour : 24/10/2016

  • 1 vote. Moyenne 3 sur 5.

Ajouter un commentaire

Anti-spam